Hier on a fêté le départ de notre fille
Maryse partage le quotidien d’une famille de Guanabo (province de La Havane) qui l’accueille à chacun de ses nombreux voyages à Cuba, et dont elle est désormais devenue une des membres à part entière. Comme c’est le cas dans beaucoup de familles de l’île, un des enfants – ici, la fille – vit désormais à « la yuma », c’est à dire à l’étranger. Elle n’ a pu venir visiter sa famille que quatre jours. Maryse partage dans ce récit la soirée de départ donnée en son honneur. Entre tristesse de l’éloignement et espoir de réussite, portrait de l’émigration cubaine.
Hier soir, la famille au complet était réunie pour un au-revoir chaleureux. Les grands-parents, les parents, les frères et sœurs, les cousins, les neveux, les beaux-frères et belles-sœurs, personne n’aurait voulu rater cet événement. Tout le monde s’était mis sur son “trente et un” pour honorer la visiteuse qui s’en va pour longtemps.
Chacune dans sa maison se fait aider de sa nièce ou de sa fille pour refaire la teinture des cheveux, poser les rouleaux pour ne pas trop friser, tout le monde sait faire la manucure.
On s’installe sur la terrasse, on essaie de capter le peu d’air frais qui passe par moment, et tout en discutant de choses de filles, on entreprend de se faire belle avec beaucoup de sérieux. La beauté à Cuba c’est très important, on aime plaire et puis c’est aussi une question de courtoisie. C’est la culture cubaine.
Préparation pour la fête entre mère et fille
En parlant avec les uns et les autres, je me rends compte que ces grandes familles nombreuses tendent à disparaître, les mentalités changent, les jeunes ne veulent plus commencer dans la vie avec les difficultés qu’on connu leurs ascendants.
Ils rêvent d’une vie plus aisée, de voyager, surtout maintenant que les cubains ont le droit de sortir du pays, de vivre autonomes et ne plus s’entasser à plusieurs générations dans la même maison. Cuba est en train de changer.
Pour les grandes occasions la coutume est de faire rôtir un cochon. Hier, il n’était pas cuit entier à la broche comme c’est souvent le cas, mais ouvert par le milieu et posé au-dessus des braises. Il ne faisait pas bon traîner à côté par 30° en fin de soirée.
Une fois presque cuit il est recouvert de feuilles de bananiers pour conserver son moelleux. La chair est savoureuse et la peau craquante et dorée, un délice pour les cubains mais à éviter tous les jours parce que très gras. Il est servi avec du yucca et quelques légumes de saison et bien sur avec le congris (riz et haricots noir).
A une heure raisonnable, les familles se sont séparées, les enfants ont école et les parents travaillent.
Au moment des aux-revoirs l’émotion était palpable, les étreintes plus fortes, les recommandations de santé, de protection fusaient, les vœux de réussite et l’espoir d’un prochain retour se mêlaient aux larmes d’une famille très soudée, très solidaire.
Mais les cubains sont très optimistes et ne s’attardent pas sur la tristesse, l’important est d’avoir pu partager un moment figé dans les téléphones portables que certains ont la chance de posséder. La technologie entre à Cuba.
Par Maryse de Nantes